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2021

Communication annuelle du Président de la République de Lituanie Gitanas Nausėda

Le 8 juin 2021

Chers compatriotes,

Mesdames et Messieurs les membres du Parlement lituanien,

Nous nous sommes réunis à un moment particulier. Nous avons derrière nous une année de tensions, de pertes et d’inquiétudes, marquée par la pandémie.

Nous avons devant nous un lendemain vers lequel nous devons aller plus solides, avec nos forces mobilisées et prêts pour de nouveaux défis.

Nous nous rencontrons aujourd’hui, on dirait sur un seuil, en se regardant comme si on était étranger l’un à l’autre. Que la sagesse, le respect et la foi nous aident à récupérer nos forces ! C’est seulement ensemble que nous pouvons construire. Seule la force de l’entente fait grandir. Il n’y a que les objectifs communs qui pourront devenir notre lendemain.

Chers citoyens,

Les situations critiques font ressortir nos faiblesses et notre solidité. Ce qui est notre force et ce qui est à renforcer devient clair et évident à ces moments-là et le mal dévoilé devient fragile.

Nous voyons que la crise sanitaire pèse non seulement sur l’économie mais aussi sur l’éducation, qu’elle est finalement devenue la crise du vivre-ensemble, la crise de la confiance. Les citoyens lituaniens, dotés de patience et d’endurance, ont vu les politiques chavirer, être pris par des discussions vaines, par l’incapacité à écouter.

Quand les autorités se montrent indécises, perdues, quand elles changent leurs décisions et sont incapables de prévoir les pas à prendre à l’avenir, c’est la société qui doit en porter le fardeau.

Ce ne sont pas seulement les médecins et notre système de santé qui doivent s’adapter. Une partie de nos enfants ne sont toujours pas revenus aux écoles, les étudiants ne se retrouvent toujours pas dans les salles de cours. Des secteurs entiers ainsi que les établissements culturels ont dû s’arrêter et n’ont pas pu renouveler entièrement leur activité jusqu’à présent. Des gens ont perdu leur travail. L’incertitude concernant l’avenir a frappé tout le monde.

Je vous remercie donc aujourd’hui, mes chers compatriotes, pour votre force et pour votre maîtrise de soi. Je vous remercie de ne pas avoir baissé les bras, de vous être aidés les uns les autres, d’avoir tenu, de ne pas avoir capitulé.

Vous médecins, bénévoles, professeurs, travailleurs sociaux, entrepreneurs, représentants de la culture, agents de police, militaires, vous étiez le pilier de notre Etat au moment le plus difficile !

Mesdames et Messieurs,

Les situations critiques sont une épreuve quand les gens se rendent compte à quel point ils sont importants pour l’Etat et si l’Etat reste toujours important pour les gens.

L’année passée a encore rappelé l’importance de la création de l’Etat de droit. Un Etat fort et juste qui serait toujours prêt à aider le peuple et pourrait compter sur son aide également. Un Etat, qui serait bâti chaque jour sur le respect que ses citoyens témoigneraient les uns aux autres, sur la confiance mutuelle et sur la détermination d’aider ceux qui rencontrent des difficultés.

Nous apprenons plusieurs de ces choses dans la famille. La société lituanienne commence par la famille et s’appuie sur la famille. Ce sont les relations créées et entretenues au sein de la famille qui nous permettent à chacun de nous sentir une partie d’une petite communauté, de développer notre confiance en nous-même et la confiance envers les autres, d’apprendre à communiquer et à coopérer. C’est de cette coopération que nous avions particulièrement besoin ces derniers mois.

L’année dernière, au moment du changement de gouvernement, j’ai invité à nous tourner vers les experts et à profiter de leurs conseils et de leur expérience. Le Conseil des experts de la santé a prouvé l’utilité des recommandations basées sur la science, a facilité le transfert du pouvoir en pleine deuxième vague de la pandémie. Je les en remercie.

D’autre part, nous avons pu voir que la volonté politique est irremplaçable. Quand les opinions des experts divergent, c’est aux politiques de reprendre les rênes. Au cours des dernières années, nous avons vu que ces rênes ont dû être transférés des ministères vers les collectivités locales. Le leadership a dû être assuré par ceux qui voient chaque jour les besoins des habitants et peuvent y répondre sans attendre les instructions. Ceux qui n’ont pas peur d’assumer la responsabilité. A commencer par des solutions inhabituelles pour encourager les entreprises qui ont fait connaitre la Lituanie dans le monde entier, jusqu’au système d’inscription de vaccination : tout cela a été initié par les personnes agissant dans les municipalités. Je tiens à les remercier également.

Aujourd’hui, quand l’approvisionnement en vaccins a beaucoup augmenté, nous avons une tâche : le processus fluide de vaccination des habitants de notre pays.

Encore un mois et nous verrons si 70 % des habitants adultes du pays seront vaccinés avant le milieu de l’été. Discuter si cela arrivera la première ou la dernière semaine de juillet n’a aucun sens. Nous ne pouvons plus nous permettre de ne pas tirer les leçons de ce que la pandémie nous a appris. Nos vies ne peuvent plus s’arrêter encore une fois.

Mesdames et Messieurs,

Ce printemps, j’ai dit aux députés du nouveau parlement que la sortie de la quarantaine ne peut pas se faire sur les ruines des liens sociaux, des entreprises, de l’éducation.

La pandémie a frappé à la porte de chacun. L’exclusion sociale et les inégalités ont flambé lors de la quarantaine. Les Lituaniens ont eu plusieurs raisons d’être déçus et de douter de la justice sociale qui constitue l’une des bases de l’Etat.

La crise a clairement identifié les entreprises responsables et celles qui n’ont pas changé de culture d’entreprise depuis le siècle dernier. Les uns créaient des emplois et soutenaient des initiatives citoyennes, d’autres satisfaisaient leurs propres besoins grâce à l’aide de l’Etat. Alors que certaines entreprises et entrepreneurs attendaient des aides en retard pour survivre, d’autres ont profité des exceptions, se sont acheté des Ferrari et des yachts.

Les statistiques montrent que l’année dernière le salaire moyen a rapidement augmenté en Lituanie. Toutefois, il ne faudrait pas se voiler la face, ce sont les revenus des citoyens les plus riches qui sont montés en flèche, alors que les salaires les plus modestes n’ont pas bougé ou ont baissé. Ainsi l’exclusion sociale se creuse. Ainsi nous devenons étrangers les aux autres dans notre propre Etat. Le devoir des politiques est de le changer.

J’ai initié au Parlement lituanien l’augmentation du seuil du revenu non imposable. Je ne suis pas d’accord avec l’idée que cette aide aux personnes ayant des salaires les plus modestes serait de trop et ne résoudrait pas les problèmes de fond, ou que cela peut attendre. Cela ne peut pas attendre ! Le sentiment d’injustice dans l’Etat ne peut pas attendre.

Les personnes ayant un handicap, celles qui ont besoin de soins médicaux ou d’être assistées ainsi que les membres de leur famille sont dans une situation particulièrement difficile. A cause de la suspension des services sanitaires ou sociaux ils se sentent encore plus isolés et même livrés à leur propre sort.

Le virus a aussi douloureusement frappé notre jeune génération que nous avons condamnée, en ignorant les autres options, à l’enseignement à distance en restant à la maison. L’enfermement dans une cellule devant l’écran d’ordinateur ou de portable entraîneront des écarts entre les résultats encore plus forts. A vrai dire, c’est déjà le cas aujourd’hui.

Ainsi, il est de notre devoir d’adopter des mesures spéciales pour une meilleure santé de nos enfants, pour une meilleure qualité de l’éducation et des activités, de la vie sociale. Pour ne pas parler amèrement à l’avenir d’une « année perdue » ou d’une « génération perdue ».

Nous avons tous commis une grande erreur en laissant les établissements culturels fermés presque jusqu’à la fin du long confinement, alors qu’ils étaient parmi ceux qui aurait pu fonctionner sans trop de risques et dissiper les tensions qui s’accumulaient au sein de la société. Aujourd’hui nous ne pouvons réparer cette erreur qu’en aidant la culture à se relever et à occuper la place qu’elle mérite dans nos vies car la culture est la base de notre identité nationale et le pilier de la société.

Quand la culture est absente, l’arrogance et la nécessité de trier les Lituaniens sont au rendez-vous. Avez-vous remarqué que le respect abandonne chaque jour un peu plus nos vies, notre espace public, nos dialogues ? Le respect est remplacé par les tensions et la colère. Avez-vous remarqué que la conviction de toujours avoir raison, qu’il n’y a qu’une seule position juste fait s’élever les frontières ? Les ombres de ces frontières atteignent les gens, le désespoir, le sentiment d’abandon et de solitude sont de plus en plus forts.

Mesdames et Messieurs,

La confiance dans l’Etat a chaviré à cause de certaines décisions des politiques, qui reflétaient non les intérêts de la société mais des particuliers, des groupes ou des partis politiques.

J’ai donc posé mon veto aux lois qui cherchaient à réduire l’indépendance des entreprises nationales et municipales, à abuser de la pêche commerciale, à détruite les relations égalitaires entre les pouvoir central et local en imposant sans aucun fondement à toutes les municipalités la création obligatoire des unités administratives de seniūnija.

Je voudrais également souligner l’utilité des actions entreprises par les autorités pour mettre en place les principes de l’Etat-providence et réduire l’exclusion. Les garanties sociales dans les cas de maladie ou de garde d’enfants, des allocations forfaitaires pour les seniors et les compensations pour les médicaments, les subventions en cas de chômage partiel, toutes ces mesures ont aidé à adoucir le premier coup de la pandémie pour les personnes les plus vulnérables de notre pays.

Afin de réduire les conséquences de la pandémie sur les familles, j’ai initié des allocations forfaitaires pour les enfants et des allocations plus importantes pour les enfants ayant un handicap ainsi que ceux des familles nombreuses ou démunies. Cela a au moins un tout petit peu contribué à la situation de 330 000 familles.

Un autre acquis important est la retraite moyenne qui en deux ans est passée de 345 à 414 euros. Il a été également décidé que la retraite minimale ne peut être en dessous du seuil des besoins de consommation minimaux. Ainsi les seniors auront à faire face à moins de risque de pauvreté et d’exclusion. Je soutiens les objectifs de la coalition au pouvoir d’améliorer la situation des seniors, toutefois l’objectif final, une retraite digne, sera atteint après une longue route et des décisions difficiles.

Notre société vieillit rapidement et nous devons augmenter l’implication des personnes âgées sur le marché du travail, les aider à préserver leur santé, développer la formation continue et les possibilités de reconversion.

Un handicap ne devrait pas être une condamnation à vie. Je suis heureux que dès cette année l’Etat aide 40 000 enfants et adultes ayant un handicap supplémentaires à s’approvisionner en médicaments et équipements médicaux. Le Parlement lituanien a également adopté mes propositions d’amendement de la loi relatifs aux garanties sociales du chômage qui permettent aux personnes ayant un handicap de bénéficier de l’entièreté de l’allocation chômage.

Le bien-être des personnes ayant un handicap est pour moi l’une des caractéristiques d’un Etat occidental civilisé. Et si chaque ministère, chaque municipalité, chaque institution et chaque entreprise mettent en place au moins quelques idées pour réduire l’exclusion sociale, nous serons d’ici la fin de l’année plus proches l’un de l’autre. Plus proches de l’humanité et plus proches d’une Lituanie juste.

L’Etat lituanien est créé par les gens, et chaque personne ainsi que ses soucis ne devraient pas se perdre dans les déclarations vides. Malheureusement, plusieurs décisions urgentes pouvant améliorer la vie des gens, l’activité des entreprises et des institutions restent l’objet des jeux du pouvoir. Nous avons la même « maladie » et nous n’arrivons pas à trouver un remède. C’est le rejet des initiatives utiles pour l’Etat et pour les citoyens, juste à cause de leur auteur.

Les représentants de la coalition au pouvoir qui était avant dans l’opposition, se plaignaient que leur voix n’était pas entendue, que leurs projets de loi étaient ignorés et prenaient la poussière dans les tiroirs. Je vois aujourd’hui que la situation est la même. La vanité décide les choix en prenant en considération si le politique est dans l’opposition ou dans la coalition au pouvoir.

Mesdames et Messieurs,

La confiance de la société dans l’Etat dépend également du fonctionnement du système judiciaire.

Notre préoccupation de base aujourd’hui est de rétablir le prestige de la profession de juge, d’attirer dans les tribunaux les meilleurs experts en justice en Lituanie. Toutefois, force est de constater que les tribunaux autonomes ne sont pas pressés de se renouveler. Jusqu’à présent il n’est pas défini comment calculer la charge de travail d’un juge, d’autant plus qu’un tiers des juges des tribunaux de première instance ne se spécialisent pas. Les procès complexes, à grande résonance, qui forment l’opinion publique sur l’efficacité des tribunaux durent pendant des années.

Par la nouvelle initiative législative, j’aspire à un changement général qui engloberait la procédure de sélection des juges, rapprocherait les tribunaux administratifs des habitants, offrirait la possibilité aux tribunaux, grâce à la spécialisation, de devenir plus efficaces.

Malheureusement, aucune loi ne pourra arrêter un juge qui ait sali le nom de juge en abusant de l’alcool. Il y a une seule voie : évaluer la déontologie de ces juges et aucune circonstance atténuante ne peut être appliquée dans de tels cas.

Nous avons également vu dernièrement comment la rotation des juges de la Cour constitutionnelle qui dure vainement a sérieusement nui à l’une des institutions majeures de l’Etat. L’ombre de jeux secrets en coulisse était perceptible et ceci n’est pas compatible avec le principe de neutralité de la Cour constitutionnelle. J’invite donc le Parlement à chercher des moyens pour empêcher ce type d’intrigues à l’avenir.

Je ne le cacherai pas, j’ai de grandes attentes envers la nouvelle procureure générale. Elle a le défi de créer le ministère public de l’avenir, capable de défendre fermement et d’avoir une position de principe pour défendre l’intérêt commun, d’assurer des procédures pénales plus efficaces et de raccourcir les délais trop longs des enquêtes judiciaires. Nous devons élargir les compétences des procureurs sur les crimes financiers en col blanc ainsi que les crimes de l’espace numérique.

Je suis heureux que ma proposition pour améliorer la qualité de la législation, présentée le Jour de la Constitution, se reflète dans le programme du gouvernement. J’espère que nous verrons dans l’avenir proche un changement non seulement dans la quantité de projets présentés mais également dans leur qualité.

Mesdames et Messieurs

La sécurité de la Lituanie dépend aussi de l’importance que nous accordons à la justice, au respect et à l’unité. Nous devons comprendre clairement aujourd’hui que nous vivons dans une période où les frontières des Etats sont repoussées et les tensions augmentent. Nous devons nous y adapter rapidement.

Les risques pour la sécurité nationale ne sont pas seulement derrière nos frontières mais aussi à l’intérieur du pays. Là où prospère la déception des citoyens, les forces ennemies extérieures trouvent facilement des opportunités et en profitent pour nous emprisonner dans la toile de la désinformation et de la propagande. Le cynisme, l’arrogance, les prétentions de détenir le monopole de la vérité font naitre la méfiance des citoyens envers le système politique démocratique.

J’invite donc aujourd’hui tous les politiques à se tourner vers la nation et à entendre ce qui la préoccupe et où elle a mal. Il sera difficile à le faire si nous trions les gens : « les nôtres » et « les étrangers », « les modernes » et « les paysans ». C’est grâce à la discussion, et pas aux injures ni aux menaces, que nous pouvons faire un grand pas vers une société civile forte, capable de changer.

Nous n’avons pas encore mûri en tant qu’Etat démocratique si les politiques voient les citoyens comme des unités statistiques dont la voix est nécessaire une fois en quelques années, lors des élections. Quand avons-nous commencé à avoir peur de nos concitoyens ? Avions-nous peur d’eux pendant le mouvement de Sąjūdis ?

Nous ne sommes pas une démocratie mature si nous rabaissons les citoyens qui ont un avis différent de celui des représentants « du Ministère de la Vérité » autoproclamés et qui ont renforcé leur position dans l’espace public.

Toutefois nous pouvons devenir un Etat démocratique !

Commençons par trois pas qui renforceront la confiance et le respect envers nos électeurs.

Le premier pas est de créer des conditions réelles pour nos citoyens d’exprimer leur avis sur les questions essentielles de la vie de l’Etat via le référendum. Pour y parvenir, nous devrions rallonger la période de la récolte des signatures nécessaires pour l’organisation d’un référendum, permettre aux gens de signer de manière électronique. Il n’est pas pardonnable que la loi constitutionnelle relative au référendum ne soit toujours pas adoptée, ce qui veut dire qu’à partir du 1er juillet les citoyens lituaniens ne pourront plus profiter du droit prévu dans la Constitution de la République de Lituanie.

Le deuxième pas est d’assurer la possibilité aux Lituaniens de continuer à élire directement leurs maires.

Le troisième pas serait de faire confiance en l’avenir de la Lituanie, en la jeunesse, et de permettre aux jeunes d’être candidat au Parlement lituanien dès l’âge de 21 ans.

Les deux derniers pas exigeraient des amendements de la Constitution, ce qui veut dire un accord des parties.

Un tel accord a manqué lors des discussions sur l’adoption du partenariat des couples homosexuels. Pour l’instant les partis opposés ne cherchent pas de compromis. Au contraire, elles renforcent la division et les disputes. Je le dirai brièvement, je suis pour la réglementation légale des couples homosexuels mais sans enfreindre ou rendre obsolète l’article 38 de la Constitution.

Un accord est-il possible ? Bien sûr, si nous voulons vraiment le trouver !

Mesdames et Messieurs,

C’est seulement en nous sentant forts et unis à l’intérieur de notre pays que nous aurons plus de poids en politique étrangère. Nous pourrons tenir un discours convaincant devant l’Europe et le monde, mobiliser les alliés et avoir un impact sur les décisions internationales.

Il n’est pas exagéré de dire que de notre capacité de résister à la pression des voisins de l’Est dépend en partie la résilience de tout l’Occident démocratique. Derrière la frontière orientale de la Lituanie se trouve un espace instable où les droits fondamentaux de l’homme ainsi que les règles du monde libre sont piétinés, où les dictateurs, après avoir trop regardé des films d’action, se comportent en terroristes et détournent les avions de ligne, où la sécurité des frontières et la sûreté nucléaire deviennent un instrument de chantage.

Aujourd’hui nous n’avons pas d’autres choix que de continuer à renforcer l’indépendance énergétique de la Lituanie. Nous mettons en place de manière cohérente la synchronisation des réseaux électriques avec l’Europe occidentale. La coopération avec la Pologne et les pays baltes ainsi qu’un milliard d’euros alloué à ce projet régional par l’Union européenne font que j’ai proposé d’avancer le début de la synchronisation : nous devons dès 2023 faire des essais du fonctionnement isolé des systèmes d’énergie électrique des pays baltes.

Les conclusions du Conseil européen favorables à la Lituanie permettent également d’empêcher au niveau de l’Union européenne les importations de l’électricité des centrales électriques ne respectant pas les normes de sûreté, y compris la centrale nucléaire d’Astraviets. Il est important que nous ne nous assoupissions pas. Les promesses électorales auraient pu s’effacer ainsi que s’éteindre le mouvement contre la centrale d’Astraviets. Je rappelle que l’électricité en provenance de cette centrale peut toujours arriver jusqu’à la Lituanie. J’invite le gouvernement à ne pas baisser les bras et à parvenir le plus rapidement possible à un accord relatif à une méthodologie commune du commerce de l’énergie électrique avec les pays tiers dans les pays baltes.

Notre pays serait beaucoup plus en sécurité si nous avions dans notre voisinage plus d’Etats démocratiques stables. Toutefois la démocratie ne peut pas être imposée ou importée, la société doit exiger ce droit. Comme nous l’avons exigé, comme les Ukrainiens l’ont fait en 2014. Comme l’année dernière le peuple biélorusse s’est mis à lutter pour son droit à être libre.

Nous devons évaluer de manière réaliste la situation dans la région. Tout en s’appuyant sur le pouvoir militaire en expansion, la Russie continue à violer le droit international en Crimée, en Ukraine de l’est et en Géorgie, elle contrôle de plus en plus la Biélorussie.

Notre tâche la plus importante aujourd’hui est donc d’arrêter, avec l’aide des alliés, l’expansion russe et d’éviter une déstabilisation encore plus importante de la région. Nous devons aspirer à ce que nos voisins aient la possibilité de décider librement et démocratiquement de leur vie. Notre refuge pour le peuple biélorusse, le soutien à la société civile, la voix de la Lituanie qui rappelle à l’Europe ce qui se passe de l’autre côté de ses frontières, c’est le minimum que l’on puisse et doive faire pour nos voisins.

Ce ne sera pas facile car les dictatures ont un sentiment d’impunité. Il est donc très important d’accorder une attention toute particulière à la dissuasion, de renforcer la présence avancée renforcée et la mission de police du ciel de l’OTAN, de préparer des plans de défense concrets. Nous pouvons faire face aux menaces émergentes en nous assurant une implication active des Etats-Unis dans la sécurité de notre région. Nous devons aspirer à ce que les forces américaines en rotation soient en Lituanie de manière permanente et que les forces permanentes soient déployées au plus près de nos frontières. J’en parlerai la semaine prochaine lors du sommet de l’OTAN.

En nous préoccupant de notre détermination à nous défendre, nous ne pouvons pas oublier que nous devons nous préoccuper par-nous même de la sécurité de notre Etat. Respectons nos engagements de manière cohérente et atteignons 2,5 % du PIB pour la défense d’ici à 2030, renforçons les capacités de défense, participons activement aux missions internationales, dès l’âge scolaire éduquons une société civile prête à défendre la Lituanie.

Un autre défi important qui nous attend est de maintenir l’attention de l’Union européenne pour la politique du partenariat oriental. Nous ne pouvons pas permettre que les échecs et les déceptions occasionnels effacent les efforts déployés en Ukraine, en Moldavie et en Transcaucasie. La Lituanie y joue un rôle exceptionnel et, je dirais même, historique.

Je peux confirmer à titre personnel que notre voix et nos opinions sont sans doute le mieux entendues par les leaders européens. Nous avons accumulé une expérience unique et nous connaissons parfaitement la région : ceci est nécessaire pour former la politique de l’Union européenne. Ainsi le leadership de la Lituanie dans le cadre de l’intégration des partenaires orientaux dans l’Union européenne est et sera la priorité incontestable de notre politique étrangère.

Nous sommes toujours plus forts ensemble. Ainsi je renforcerai les liens chaleureux avec les voisins les plus proches au sein de l’Union européenne. Pendant ces deux dernières années nous avons réussi à donner un nouvel élan au partenariat stratégique au plus haut niveau avec la Pologne. Nous avons participé ensemble à Vilnius à l’inhumation des participants de l’insurrection de 1863, nous avons commémoré ensemble à Varsovie le 230e anniversaire de la Constitution de la République des deux Nations. Nous avons rétabli le Conseil des Présidents qui aura lieu prochainement au mois d’octobre à Vilnius et qui sera également l’occasion pour commémorer l’anniversaire de « l’Engagement mutuel des deux Nations » qui constitue l’amendement essentiel de la Constitution. La Lituanie est un acteur politique actif de la région. Nous nouons un partenariat avec la Pologne et l’Ukraine dans le cadre du dit « Triangle de Lublin ». Je suis certain qu’un jour un représentant de la Biélorussie libre rejoindra ce format.

Toute la famille des pays baltes se sent proche des pays nordiques. Ce sentiment est dû non seulement au soutien des pays scandinaves lors du rétablissement de notre indépendance mais aussi au modèle réussi de l’Etat-providence dans ces pays, à une approche similaire des problèmes de la sécurité de la région, aux investissements provenant de ces pays. Ainsi nous harmonisons régulièrement nos positions en matière d’affaires européennes et nous nous rencontrons avant chaque Conseil européen. D’ailleurs, lors de la visite à Stockholm la semaine prochaine, nous parlerons également du développement à l’avenir des entreprises suédoises en Lituanie.

Mesdames et Messieurs,

L’avenir que nous créerons pour nos enfants dépendra de notre capacité à nous renouveler dans les domaines fondamentaux. En négociant avec obstination au Conseil européen, nous avons réussi à obtenir pour la Lituanie des ressources plus importantes que jamais dans le nouveau budget de l’Union européenne : 14,5 milliards d’euros ; la question de la convergence des aides directes aux agriculteurs n’est plus au point mort. Il est important actuellement d’utiliser de manière raisonnable et honnête les ressources de l’Union européenne dans les secteurs qui créent la plus grande valeur pour nos gens.

Nous pouvons mettre en valeur les atouts de la Lituanie sur le marché international seulement grâce à la création d’une économie durable et innovante. Nous pouvons le faire car la Lituanie a toujours été connue comme un pays de gens créatifs, travailleurs et obstinés. Nous ne sommes plus sans aucun doute un pays de main d’œuvre bon marché !

A l’avenir, d’après moi, l’éducation devra jouer un rôle exceptionnel pour consolider et développer nos réussites.

Force est de reconnaitre que trois décennies de réformes sans cohérence et contradictoires ont causé un grand préjudice pour notre jeunesse. Je salue donc les efforts pour parvenir à un accord national des partis politiques sur la qualité de l’éducation et j’espère qu’il sera signé dès cette année. En comprenant que les initiatives dans le domaine de l’éducation donnent des résultats après plusieurs années ou même plusieurs décennies, nous devons commencer le plus rapidement possible.

L’objectif des amendements de la loi de l’Education sur l’égalité de départ, que j’ai initiés et que le Parlement a adoptés, est la volonté de réformes essentielles. Selon cette loi, dès cette année près d’un millier d’enfants de familles à risque social intégrera l’éducation préscolaire. Nous devons continuer à avancer vers l’éducation préscolaire universelle car c’est l’une des mesures les plus efficaces pour réduire les différences de niveau et l’exclusion à l’avenir.

Une impulsion importante pour l’Etat-providence deviendra la mise en place de l’éducation inclusive dans les écoles lituaniennes dès 2024. Plusieurs enfants ayant un handicap ne seront plus discriminés et leurs camarades de classe dès leur plus jeune âge seront sensibilisés à la diversité, apprendront à l’accepter et à la chérir. Je l’ai vu moi-même en me rendant dans les écoles où l’éducation inclusive est appliquée aujourd’hui sans la remettre à demain.

Le développement des innovations ne devrait pas attendre les changements du système éducatif. Nous devons agir ici et maintenant. Il est nécessaire, tout d’abord, d’augmenter au moins jusqu’à 2 % du PIB le financement de la recherche et du développement expérimental. Deuxièmement, nous devons créer au sein de nos institutions un réseau de fonctionnaires chargés des innovations qui permettrait une meilleure coordination de la politique des innovations. Troisièmement, nous devrions participer plus activement aux structures internationales de la recherche en nous appuyant sur la base des recherches et les recherches fondamentales.

Malheureusement, notre talon d’Achille reste le manque d’interactions entre les écoles supérieures et les entreprises. On peut avoir l’impression que les entrepreneurs manquent de foi et que les chercheurs manquent de confiance en eux. Nous pouvons rompre cette chaine nuisible ensemble.

La Lituanie innovante est pour moi liée à la vision de la Lituanie verte. Il y a quelques jours nous avons proclamé avec le Président Valdas Adamkus, les chefs de la Commission européenne, les représentants des entreprises socialement responsables, les activistes et les écologistes la Déclaration de la Lituanie verte. Nous sommes témoins que les entreprises et les écologistes, ceux qui sont souvent de part et d’autre des barricades, se sont serrés les coudes pour un objectif commun.

Je suis heureux de voir que dans notre Patrie il y a de plus en plus de gens qui se soucient sincèrement de l’environnement où ils vivent. Nous nous libérons petit à petit de l’étau de la société de consommation, nous prenons des habitudes durables, nous bougeons plus.

Le pacte vert pour l’Europe est reflété dans le programme du gouvernement également. Ceci n’est pourtant pas suffisant : la distribution des aides européennes doit être plus orientée vers la création des infrastructures vertes dans les régions. L’une des mesures essentielles pour atteindre les objectifs fixés pour 2030 et 2050 est le développement ambitieux des énergies renouvelables.

Les initiatives relatives à la législation peuvent aussi améliorer la qualité de l’environnement en Lituanie. J’ai donc initié des amendements de la loi relative aux procédures législatives qui prévoient l’évaluation de l’impact sur l’environnement des actes législatifs au cours de leur adoption. Par les amendements de la loi des marchés publics initiés, je propose également une direction verte en incluant des aspects écologiques dans l’évaluation des offres des fournisseurs. Ce seraient des pas effectués au moment propice pour former une approche respectueuse de l’environnement dans les institutions nationales.

Mesdames et Messieurs,

En nous souciant du bien de notre pays, nous devons nous préoccuper de l’interaction entre les différentes institutions nationales et du renforcement de la culture politique.

L’une de nos dettes de long terme est le renforcement des collectivités locales. Nous les avons considérées pendant trop longtemps comme un enfant mal aimé aussi bien du point de vue de l’attention accordée que du point de vue des financements. En fin de compte, nous avons compris qu’en étant plus proches des personnes, elles peuvent répondre au mieux à leurs besoins. Je rappelle donc aux leaders des partis que l’année dernière, à mon invitation, lors du Forum des Régions, nous avons signé un accord des partis politiques sur le renforcement de l’autonomie des collectivités locales. N’oublions pas de consolider cet accord par des travaux réels.

Je suis convaincu que les diverses institutions coopéreront de plus en plus à l’avenir. Toutefois, je ne peux pas taire que beaucoup trop d’énergie a été et est toujours dépensée au mauvais moment et au mauvais endroit. Il y a des tentatives de fracturer l’Etat et la société et de les noyer dans des jeux de pouvoir politique qui ne sont pas compatibles avec les principes de la gouvernance responsable.

Je regrette de devoir rappeler que l’opposition d’hier qui soutenait à haute voix l’invitation à une réforme ambitieuse des marchés publics, aujourd’hui essaie de changer autant que possible l’essence de la réforme. Cette attitude irresponsable nous coûte non seulement des centaines de millions d’euros chaque année mais aussi une baisse de confiance envers les institutions nationales. Avons-nous trop de participants profitant grassement de ce système qui ne veulent absolument rien changer ?

Nous ne pouvons plus repousser les changements qui réduiraient les exemptions d’impôts et augmenteraient les revenus budgétaires. Dans le secteur fiscal nous avons depuis de longues années des plus égaux que les autres. Ceux qui profitent de grands revenus générés par le capital continuent à payer moins d’impôts que les salariés qui gagnent beaucoup moins. Je comprends que nous investissons beaucoup de forces dans la lutte contre la pandémie mais nous ne pouvons pas dissimuler le manque de volonté politique derrière le virus !

L’expérience montre que le créneau de l’agenda des politiques est assez étroit pour l’éducation, la santé, les impôts, la culture et d’autres réformes importantes pour l’Etat. Et ce créneau rétrécit encore en perdant du temps dans les disputes concernant la réglementation électorale ou les 5 heures en plus par semaine pour la vente d’alcool. Dans un an, quand je prononcerai ma prochaine communication annuelle de cette tribune, le créneau aura presque complétement rétréci et la majorité réfléchira aux prochaines élections.

Chers députés, chers membres du gouvernement, je suis prêt à soutenir de toutes mes forces vos idées qui nous permettront d’avancer. Je ne pense pas que nous ayons le temps à des divisions pour savoir qui aime plus et qui aime moins la Patrie. Personne n’a le monopole de l’amour de la Patrie. Rappelons-nous donc notre devoir et notre serment constitutionnel : servir la Lituanie et le bien-être de son peuple.

Chers compatriotes,

La démocratie n’est pas inscrite dans la pierre. Elle peut à chaque instant être endommagée par la soif du pouvoir d’une ou autre force politique. Elle peut être déséquilibrée par des tensions sociales et économiques, par la déception des gens due au manque de justice ou de solidarité dans la société.

Toutefois la démocratie a un grand potentiel pour faire face à toutes les difficultés, réveiller l’énergie de la société et la faire avancer.

Quand la Nation lituanienne est prête aux changements, unie, quand elle a confiance en elle, quand elle n’est pas limitée par la censure politique et les stéréotypes imposés, rien ne l’arrêtera.

Nous pouvons et nous devons avoir confiance dans une société civile de plus en plus forte, active et exigeante. Qui veut non seulement écouter mais aussi parler. Discuter, chercher, participer aux décisions et créer un meilleur avenir.

Nos gens ont le droit d’exiger la responsabilité des politiques élus et de créer en mobilisant nos forces une Lituanie forte, juste, verte et innovante, notre Lituanie à tous, la Lituanie, l’Etat-providence.

Je vous remercie pour votre attention.

Mise à jour 2021.06.08 08:53